Correspondence. 95
les conclusions obtenues par I'etude d'une autre population reconnue, d'un consentement unanime, comme vraiment totemique?
Ce sont la des questions pratiques; ce sera, si Ton veut, de I'application technique ; mais la solution de ces questions, I'usage de cette application ne sont possibles que si la theorie generale a fonde des propositions precises ou sont enuraerees les caracteris- tiques du phenomene considere. Ces propositions ne peuvent etre atteintes que par une coordination des faits, non pas par une simple juxtaposition sur base ethnique ou geographique. Je sais bien que, pour que la demonstration soit valable, il faut presenter au lecteur les faits le plus detailles possible, et que, tant que nous ne possederons pas un corpus des documents ethnographiques, nous serons tons reduits a publier la copie de nos textes, ou du moins des resumes tres etendus, suivant la methode de M. Frazer dans le Golden Bough et dans Totemism a7id Exogamy. Mais si I'auteur, auquel cela serait plus facile qua tout autre, ne donne pas dans quelques pages de sa Conclusion les formulas auquelles son enquete I'a necessairement fait aboutir, le risque est grand que d'autres, qui ne cherchent dans son oeuvre que les propositions generales applicables a d'autres series de faits, se trompent grave- ment, et prennent par exemple pour essentiel et caracteristique, ce qui n'est qu'accidentel et sporadique, sinon meme aberrant.
Supposons qu'on veuille interpreter un fait ancien, (comme I'importance des renards dans les cultes de la Thrace,) fait souvent connu uniquement par des allusions passageres, des inscriptions trop breves, un petit rite a premiere vue bizarre. Comment interpreter ce fait ancien autrement qu'en le rangeant dans une categoric scientifique obtenue par le classement des faits actuels? De meme qu'en chimie, il faut avoir ici un reactif, qui permette de decider que le corps soumis a I'observation se nomme ainsi et non pas autrement, est de I'acide sulfurique ou n'en est pas.
Un reactif de ce genre s'obtient en comparant les diverses formes du totemisme actuel, afin de dissocier les elements qui leur sont communs de ceux qui ne se rencontrent que dans quelques- unes d'entre elles, ou meme dans une seule. En procedant ainsi par eliminations successives, il doit rester un residu qui constituera ce qu'on peut appeler resse?ice du totemisme et qui s'exprimera