La volonté qu'ont les Américains d'être utiles a l'Angleterre par préférence à la France, porte sur les deux seules causes qui peuvent produire une telle volonté: l'inclination et l'intérêt.
L'inclination des Américains est en faveur de l'Angleterre.
Cette proposition semble d'abord être un paradoxe. Des difficultés qui ont produit une guerre civile horriblement cruelle! Quel aliment pour une inclination réciproque! Sans doute: mais ces difficultés sont finies et ne peuvent plus reparaître: cette guerre n'est plus: de longs ressentiments ne subsistent point quand on a vaincu. L'orgueil satisfait ne réserve point de longs désirs de vengeance. D'ailleurs, l'Américain est peut-être le peuple de la terre qui connaît le moins les passions, et qui est le moins gouverné par elles; et chez un tel peuple, les sentiments et les inclinations ne sont que des habitudes. Or, toutes les habitudes de l'Américain font de lui un Anglais et le constituent tributaire de l'Angleterre avec une force de nécessité qu'aucune déclaration ou reconnaissance de son indépendance ne saurait surmonter.
La seule similitude de langage constaterait le droit de propriété de l'Angleterre sur toutes les inclinations des Américains d'une manière irrésistible. Elle place entre les hommes de ces deux pays un caractère commun qui les fera toujours se prendre l'un à l'autre et se reconnaître. Ils se croiront mutuellement chez eux quand ils voyageront l'un chez l'autre, échangeront avec un plaisir réciproque la plénitude de leurs pensées et la discussion de leurs intérêts, tandis qu'une barrière insurmontable est mise entre les peuples de langage différent qui ne peuvent prononcer un mot sans s'avertir et sentir qu'ils ne sont point frères; entre qui toute transmission de pensée est un travail pénible et non une jouissance; qui ne parviennent jamais à s'entendre complètement, et pour qui le résultat de toute conversation, après s'être fatigués de leurs efforts imparfaits, est de rester étrangers l'un à l'autre et de se trouver mutuellement ridicules.
Comment ne serait-ce point une province de l'Angleterre qu'un pays où les traits distinctifs de la Constitution, soit dans l'union fédérale, soit dans les États distincts, sont empreints d'une si forte ressemblance avec les grands linéaments de la Constitution anglaise? Quelques États avaient osé vouloir s'en écarter et ne point reproduire dans leur Corps législatif l'image d'un Roi, d'une Chambre haute et d'une Chambre des communes. L'expérience les a punis et, ce qui est plus rare, les a éclairés: et le respect pour la Constitution anglaise n'a-t-il pas dû devenir extrême lorsque plus ou moins de ressemblance avec elle a été reconnu pour la mesure des succès ou des méprises? Sur quoi repose aujourd'hui toute la liberté individuelle de l'Amérique? Sur l'habeas corpus et le jugement par les jurés. Assistez aux séances du Congrès, à