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WILLIAM, EARL OF SHELBURNE


ne laissera point de traces plus ineffaçables que les événements de la guerre terminée en 1783. On oubliera jusqu'à la manière dont ces ordres ont été exécutés, manière plus perfide et plus cruelle que les ordres mêmes. On pardonnera aux corsaires bermudois leur brigandage, digne des pirates du Maroc et d'Alger. On oubliera également les services indirects rendus à la cause américaine par le succès des armes françaises; et la reconnaissance ne sera ni plus efficace ni plus éternelle pour la confirmation de l'indépendance que pour sa première conquête.

Tous ces intérêts du moment, toutes ces passions éphémères s'évanouiront avec les difficultés présentes. Les articles convenus avec M. Jay en seront le tombeau. Mais ce qui restera, ce seront les convenances mutuelles, les besoins réciproques, les habitudes nationales, les préjugés universellement reçus, en un mot, toutes les causes naturelles et politiques qui dtermineront a jamais la volonté de l'Amérique pour être utile à l'Angleterre, et qui lui en donneront la possibilité.

Les observations que cette lettre renferme perdraient tout leur air de nouveauté, et seraient l'opinion générale si le gouvernement anglais n'avait pas fait depuis dix ans tout ce qu'il a pu imaginer de plus capable d'aliéner l'esprit des Américains. Des expressions de mépris, ou au moins de hauteur, dans toutes les relations politiques; une froideur soutenue et marquée à leur ministre toutes les fois qu'il fait sa cour, froideur d'autant plus choquante que les formes pour les ministres des autres puissances sont différentes; des délais de quinze jours, trois semaines, pour que le ministre d'Amérique obtienne une audience des ministres du Roi, etc., etc. On a ajouté à cela d'envoyer en Amérique un ministre, des consuls pris parmi les hommes connus pour avoir été opposés par eux-mêmes ou au moins par leur famille a l'indépendance. Quelle misérable administration que celle qui prend des formes de bou-

    étaient au pouvoir et dont toutes les sympathies étaient acquires à l'Angleterre, se montrèrent moins ardents; mais, entraînés par le courant, ils durent demander, avec les républicains, que l'on prît une attitude énergique vis-à-vis de l'Angleterre. Au commencement de l'année 1794, l'agitation centre l'Angleterre avail tellement augmenté que la guerre devenait probable.

    C'est à ce moment que Washington, qui voulait éviter cette calamité, imagina d'envoyer John Jay à Londres en mission de conciliation. Ce choix n'était pas heureux: Jay, quoique d'origine française, détestait la France, et les républicains ne manquèrent pas de dire qu'il n'hésiterait pas à sacrifier les intérêts de la France pour ceux de la Grande-Bretagne. L'événement devait justifier ces craintes.

    Nommé le 16 avril 1794, Jay arriva à Londres le 15 juin et entra aussitôt en négociations avec lord Grenville. Le 19 novembre, il signait le fameux traité qui brouilla pendant plusieurs années la France avec les États-Unis. Contrairement à ses instructions, Jay abandonna le principe de l'immunité de la marchandise ennemie sous pavilion neutre, auquel la France et les États-Unis avaient souscrit par traité, et, en échange d'avantages contestables, déserta à la fois la cause des neutres et l'alliance française. (Note by M. Pallain in his work, La Mission de Talleyrand à Londres en 1792.)