se faire mieux comprendre, tout à fait amusant. Elle m’explique :
— Je l’adorais, ce garçon. J’aurais fait n’importe quoi pour lui, enfin la passion… je ne peux pas te dire, moi ; si tu sais ce que c’est ?…
— Hélas !
— Nous sortions ensemble, le dimanche. J’étais fière, à son bras, et heureuse, si heureuse… (le petit effort). Il n’y a qu’une femme qui pourrait comprendre ça : quand on s’en va, du même pas… tout près, tout près l’un de l’autre, et tout doucement, comme si on avait peur de briser son cœur et que le bonheur tombe à terre…
« Un jour, voilà qu’il est venu, mon ami, en visite chez mes patrons. Les personnes de la haute se connaissent entre elles. Donc il y avait au fumoir une bande de jeunes gens. Je venais à la porte, de temps en temps, faisant semblant de ne pas connaître mon amant, par discrétion, tu comprends ? Et j’entendis les autres lui dire qu’il sortait avec une petite mise comme une bonne. C’était moi, la petite. Et ils le blaguaient.
« Alors, il m’a reniée, le lâche. Il leur a juré qu’il couchait avec Liane de ceci et Carmen de cela. Ces cocottes-là, pour sûr, n’auraient point voulu de lui qui avait juste dix louis par mois de sa famille. Il n’aimait pas à la cuisine, déclarait-il. Il ne sortait que des demoiselles chic…
« — Mais on t’a vu, ripostaient les autres.
« — Bah ! quelque femme de chambre à qui j’indiquais une rue.
« Moi, j’avais le cœur crevé et des larmes plein les yeux, derrière la porte. Était-ce ma faute si je ne possédais point de toilettes, si je n’avais à offrir que mon affection et ma beauté ?… Après avoir entendu ça, je n’ai plus voulu le revoir, plus jamais. Nous autres femmes, quand on nous blesse d’une certaine façon, c’est fini, tu sais. À la suite de cette aventure-là, j’ai commencé à faire la noce et à m’exhiber sur la scène.
Marie-Louise est émue, la chère petite. Je vais m’asseoir près d’elle pour la consoler. Elle achève :