point la silhouette mince, une taille de guêpe et un derrière de femme, — quand les femmes avaient encore un derrière ! — Mais il y voit clair sans arborer des lunettes de vieillard ; et ses épaules sont larges. Il ignore les danses modernes. Mais il est gai, rieur, plein d’esprit. Il a de la conversation. Il m’amuse, à table. J’ai d’ailleurs plaisir quand je rentre avec lui, dans un restaurant et que je l’entends ordonner un menu de choix aux maîtres d’hôtel déférents.
« Je me sens, auprès de lui, — comment vous expliquer ? — protégée et considérée. Je suis aux côtés d’un monsieur qui n’a l’air ni d’un entreteneur, ni d’un gigolo… C’est mon mari, Voilà.
« Il boit sec, du vin de Bourgogne et fume des cigares qui sentent bon. Il m’amuse au lit, si vous voulez le savoir. Il est admirablement bâti, fort et musclé. Et il a, tout à la fois l’art savant des préparations et une vigueur dans l’exécution que je vous souhaite, non pas quand vous aurez son âge, mais dès maintenant mon bon ami, dès maintenant. Je ne m’embête nullement entre ses bras. Ah ! vrai, je n’éprouve point le besoin de changer.
« À votre tour : faites votre examen, sans prétention : je vous y aiderai. Regardez dans la glace votre silhouette étriquée par le long pardessus trop collant ; la petite tache que vous avez sous les narines, à la place des moustaches et qui semble une malpropreté ; le sinistre et symbolique foulard rouge emprunté aux apaches et passé, du cou des artistes de music-hall au cou des greluchons contemporains ; votre col mou pour furonculose ; votre cigarette répandant une écœurante odeur de foin brûlé et donnant ainsi l’impression fâcheuse que vous fumez votre nourriture. Examinez votre triste figure aux énormes lunettes qui vous font ressembler à ces insectes grêles dont les yeux paraissent montés sur un pédoncule.
« Votre allure de jeune criquet s’apparente peut-être à celle des demoiselles maigres aux pattes de sauterelles qui sont représentées sur les illustrés et les catalogues.