220 ALFRED BINET : LA RECTIFICATION sions passives que si 1'experience directs ne les detruit pas, 1'esprit les corrige. En sonime, c'est ce qui importe le plus. II en est de ces erreurs des sens comme de quelques halluci- nations auxquelles les malades ne peuvent pas se soustraire, mais dont ils reconnaissent la faussete. La rectification n'est que partielle : elle laisse subsister intacte 1'image sen- sible, mais cette image cesse de paraitre objet reel et n'en- traine plus la croyance. La rectification a lieu, comme dit M. Taine, 1 au second stade. II nous reste a determiner en quelques mots le caractere logique de la negation que le temoignage des sens oppose, dans les conditions que nous venons d'etudier, a une opera- tion de la pensee. Les faits precedents ont 1'avantage de traduire sous une forme experimentale un principe abstrait qui a term une place considerable dans la philosophic antique, et qui reste aujourd'hui sinon le criterium de la verite, du moins la condition du possible : le principe de contradiction. On peut 1'enoncer de plusieurs manieres. C'est une loi de notre intelligence, 2 dirons nous dans notre langage moderne et a notre point de vue psychologique, que certains etats de conscience s'excluent. Nous ne pouvons con9evoir une ligne comme etant a la fois droite et brisee, une surface comme etant a la fois carree et triangulaire, un corps comme etant a la fois lourd et leger : ces termes impliquent contradiction. Or c'est bien ce meme principe de contradic- tion qui est en jeu lorsqu'une representation mentale est corrigee par I'intervention de la sensation. S'il y a conflit entre ces deux etats de conscience, c'est parcequ'ils ne peu- vent pas coexister, parcequ'ils s'excluent, en un mot par- cequ'ils se contredisent. Le principe de contradiction pourrait s'appeler le principe d'antagonisme des etats de conscience. Quelles sont les conditions necessaires pour que deux etats forment deux notions contradictoires ? II y en a trois : c'est que les deux etats se rapportent au meme objet, qu'ils appartiennent au meme organe sensoriel, et qu'ils ne soient pas semblables. Ces trois conditions sont necessaires et suffisantes. rv. II est temps de proceder a la synthese des faits qui vien- nent d'etre analyses. Le principe general qui domine notre matiere, c'est que 1 Taine, De V Intelligence, t. i., p. 76, et seq. 2 Taine, De V Intelligence, t. i., p. 36.