DES ILLUSIONS PAE L'APPEL ATJX SENS. 221 toute operation de 1'esprit a pour but Faction. La perception vraie et la perception fausse ne sont que les premieres parties d'un phenomene qui, considere dans son integralite, est un processus d' adaptation. Ainsi comprise, la perception (vraie ou fausse) laisse facilement voir sa parente avec le reflexe ; c'est un reflexe modifie et complique, dont le developpement a eu lieu dans les deux sens a la fois. D'abord, dans le sens psychique (periode centripete du reflexe) : le stimulus n'est pas une impression sensorielle, mais une representation men- tale qu'une impression sensorielle a provoquee. Ensuite, dans le sens moteur (periode centrifuge du reflexe) : la reac- tion ne se compose pas d'un simple mouvement responsif, suflisant au cas ou le stimulus agit directement sur le corps ; elle est formee d'une serie de inouvements coordonnes en vue d'une fin, et adaptant 1'organisme vis a vis d'un objet qui peut etre eloigne dans 1'espace et dans le temps. Le reflexe represente une adaptation simple et bomee ; la perception, une adaptation plus complexe et plus generale. Chez un grand nombre d'animaux, ces processus d'adapta- tion paraissent exister seuls et suffire a Fentretien de la vie de relation. Comme 1'animal se meut toujours dans le rneme cercle et accomplit regulierement les memes actes a la suite des memes incitations, il arrive facilement a faire bien un travail qui ne varie pas. On cite par exemple des insectes qui ne visitent jamais qu'une seule espece de fleurs. 1 Dans ces conditions, 1'adaptation atteint une perfection merveil- leuse, qui a fait croire a la superiorite de 1'instinct sur Fin- telligence. 2 Mais a mesure que le champ de la perception s'agrandit, que les facultes se developpent et que 1'adaptation, au lieu d'etre uniforme, est obligee de se modifier sans cesse et de varier avec les conditions exterieures, les chances d'erreurs deviennent plus nomb reuses. L 'intelligence devient fragile par sa superiorite rneme. L'illusion est une cause de danger soit immediat soit prochain, car le defaut d'adaptation dans 1'ordre des connaissances entraine presque toujours un de- faut d'adaptation dans 1'ordre de Faction. II faut done, de toute necessite, que Findividu ait les moyens de reconnaitre et de corriger ses erreurs, comme un organisme sain qui repare lui-meme ses desordres et ses lesions. C'est a ce but que concourrent, chez Fhomnie et chez les principaux ani- 1 Lubbock, Insectes et Fleurs, p. 24. - Nous n'insistons pas, n'ayant pas 1'iiitention de faire ici de la psycho- logic animale ; mais nous devons rappeler que les reflexions precedentes s'appuient sur un tres grand nombre de faits.