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The Raven; with literary and historical commentary/French

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Other versions: The Raven (Poe)


TRANSLATIONS.


FRENCH.

NO foreign writer is so popular, and has been so thoroughly acclimatised in France, as Edgar Poe. This popularity and power is largely due to the translations and influence of Charles Baudelaire who has made his transatlantic idol a veritable French classic. Edgar Poe's influence upon literature, declares de Banville, is ceaseless and spreading, and as powerful as that of Balzac.

The Raven, despite the almost insurmountable difficulty of making anything like a faithful rendering of it into French, is a favourite poem in France. Again and again have well known French writers attempted to translate Poe's chef d'œuvre into their own tongue, but with varying success. They have as a rule to discard the rhymes, abandon the alliteration, and lose all the sonorous music produced by artistic use of the open vowel sounds; in fact, attempt to reconstruct the wonderful house of dreams without having any of the original materials out of which it was formed. To give a prose rendering of The Raven is, in every sense, to despoil it of its poetry.

Baudelaire, who has so deftly reproduced Poe's prose, has failed to render justice to his poetry; take, for example, his attempt to render French those magnificent lines of the eleventh stanza:—

'Some unhappy master whom unmerciful disaster
Followed fast and followed faster till his songs one burden bore—
Till the dirges of his Hope that melancholy burden bore
Of "Never, never more."'

Translated thus:—

'Quelque maitre malheureux à qui l'inexorable Fatalité a donné une chasse acharnée, toujours plus acharnée, jusqu'à ce que ses chants n'aient plus qu'un unique refrain, jusqu'a ce que les chants funebres de son Espérance aient adopté ce mélancolique refrain:
"Jamais! Jamais plus!"'


A very early rendering into French of The Raven was made by Monsieur William Hughes, and published by him in a volume entitled "Contes inédits d'Edgard Poe," in 1862. As, probably, the first translation of the poem into any language it is interesting, but, for the present purpose it will only be necessary to cite the first and the two last stanzas:—

Un soir, par un triste minuit, tandis que faible et fatigué, j'allais rêvant à plus d'un vieux et bizarre volume d'une science oubliée, tandis que sommeillant à moitié, je laissais pencher ma tête de çà, de là, j'entendis quelqu'un frapper, frapper doucement à la porte de ma chambre. "C'est un visiteur," murmurai-je, "qui frappe à la porte de ma chambre—
Ce n'est que cela et rien de plus."

XVII.

"Que ce mot, soit le signal de ton départ, oiseau ou démon!" criai-je en me redressant d'un bond. "Reprends ton vol à travers l'orage, regagne la rive plutonienne! Ne laisse pas ici une plume noire pour me rappeler le mensonge que tu viens de proférer! Abandonne-moi à ma solitude, quitte ce buste au-dessus de ma porte; retire ton bec de mon cœur, retire ton spectre de mon seuil."

Le corbeau répéta: "Jamais plus!"


XVIII.

Et le corbeau, immobile, demeure perché, toujours perché sur le buste blanc de Pallas, juste au-dessus de ma porte; son regard est celui d'un démon qui rêve, et la lumière de la lampe, qui l'inonde, dessine son ombre sur le parquet; de cette ombre qui tremble sur le parquet, mon âme

Ne sortira jamais plus!


Another of the numerous translations into French of The Raven, and one which, for many reasons, deserves citation in full is that made by Stèphane Mallarmé, the poet, the translator of several of Poe's works. The magnificent folio form in which Monsieur Mallarmé introduced Le Corbeau to his countrymen, in 1875, was illustrated by Manet with several characteristic drawings. This rendering reads thus—

I.

Une fois, par un minuit lugubre, tandis que je m'appesantissais, faible et fatigué, sur maint curieux et bizarre volume de savoir oublié—tandis que je dodelinais la tête, somnolant presque: soudain se fit un heurt, comme de quelqu'un frappant doucement, frappant à la porte de ma chambre—cela seul et rien de plus.


II.

Ah! distinctement je me souviens que c'était en le glacial Décembre: et chaque tison, mourant isolé, ouvrageait son spectre sur le sol. Ardemment je souhaitais le jour—vainement j'avais cherché d'emprunter à mes livres un sursis au chagrin—au chagrin de la Lénore perdue—de la rare et rayonnante jeune fille que les anges nomment Lénore: de nom pour elle ici, non, jamais plus!


III.

Et de la soie l'incertain et triste bruissement en chaque rideau purpural me traversait—m'emplissait de fantastiques terreurs pas senties encore: si bien que, pour calmer le battement de mon coeur, je demeurais maintenant à répéter "C'est quelque visiteur qui sollicite l'entrée, a la porte de ma chambre—quelque visiteur qui sollicite l'entrée, a la porte de ma chambre; c'est cela et rien de plus."

IV.

Mon âme devint subitement plus forte et, n'hésitant davantage "Monsieur," dis-je, "ou Madame, j'implore véritablement votre pardon; mais le fait est que je somnolais et vous vîntes si doucement frapper, et si faiblement vous vîntes heurter, heurter à la porte de ma chambre, que j'étais à peine sûr de vous avoir entendu." Ici j'ouvris, grande, la porte: les ténèbres et rien de plus.


V.

Loin dans l'ombre regardant, je me tins longtemps à douter, m'étonner et craindre, à rêver des rêves qu'aucun mortel n'avait osé rêver encore; mais le silence ne se rompit point et la quiétude ne donna de signe: et le seul mot qui se dit, fut le mot chuchoté "Lénore!" Je le chuchotai—et un écho murmura de retour le mot "Lénore!"—purement cela et rien de plus.


VI.

Rentrant dans la chambre, toute mon âme en feu, j'entendis bientôt un heurt en quelque sorte plus forte qu'auparavant. "Surement," dis-je, "surement c'est quelque chose à la persienne de ma fenêtre. Voyons donc ce qu'il y a et explorons ce mystère—que mon cœur se calme un moment et explore ce mystère; c'est le vent et rien de plus."

VII.

Au large je poussai le volet; quand, avec maints enjouement et agitation d'ailes, entra un majestueux Corbeau des saints jours de jadis. II ne fit pas la moindre révérence, il ne s'arrêta ni n'hésita un instant: mais, avec une mine de lord ou de lady, se percha au-dessus de la porte de ma chambre—se percha sur un buste de Pallas juste au-dessus de la porte de ma chambre—se percha, siégea et rien de plus.


VIII.

Alois cet oiseau d'ébène induisant ma triste imagination au sourire, par la grave et sévère décorum de la contenance qu'il eut: "Quoique ta crête soit chue et rase, non!" dis-je, "tu n'es pas pour sur un poltron, spectral, lugubre et ancien Corbeau, errant loin du rivage de Nuit—dis-moi quel est ton nom seigneurial au rivage plutonien de Nuit?" Le Corbeau dit: "Jamais plus."


IX.

Je m'émerveillai fort d'entendre ce disgracieux volatile s'énoncer aussi clairement, quoique sa réponse n'eût que peu de sens et peu d'a-propos; car on ne pent s'empêcher de convenir que nul homme vivant n'eut encore l'heur de voir un oiseau au-dessus de la porte de sa chambre—un oiseau ou toute autre bête sur la buste sculpté, au-dessus de la porte de sa chambre, avec un nom tel que: "Jamais plus."

X.

Mais le Corbeau, perché solitairement sur ce buste placide, parla ce seul mot comme si, son ame, en ce seul mot, il la répandait. Je ne proférai done rien de plus: il n'agita done pas de plume—jusqu'à ce que je fis à peine davantage que marmotter "D'autres amis de"ja ont pris leur vol—demain il me laissera comme mes Espérances déjà ont pris leur vol." Alorsl'oiseau dit: "Jamais plus."


XI.

Tressaillant au calme rompu par une réplique si bien parlée: "Sans doute," dis-je, "ce qu'il profère est tout son fonds et son bagage, pris à quelque malheureux maître que l'impitoyable Désastre suivit de près et de très près suivit jusqu'à ce que ses chansons comportassent un unique refrain; jusqu'a ce que les chants funèbres de son Espérance comportassement le mélancolique refrain de "Jamais—jamais plus."


XII.

Le Corbeau induisante toute ma triste âme encore au sourire, je roulai soudain un siége à coussins en face de l'oiseau et du buste et de la porte; et m'enfoncant dans le velours, je me pris à enchaîner songerie à songerie, pensant à ce que cet augural oiseau de jadis—à ce que ce sombre, disgracieux, sinistre, maigre et augural oiseau de jadis signifiait en croassant: "Jamais plus."

XIII.

Cela, je m'assis occupé à le conjecturer, mais n'adressant pas une syllabe à l'oiseau dont les yeux de feu brûlaient, maintenant, au fond de mon sein; cela et plus encore, je m'assis pour le deviner, ma tête reposant à l'aise sur la housse de velours des coussins que dévorait la lumière de la lampe, housse violette de velours dévoré par la lumière de la lampe qu'Elle ne pressera plus, ah! jamais plus.


XIV.

L'air, me sembla-t-il, devint alors plus dense, parfumé selon un encensoir invisible balancé par les Séraphins dont le pied, dans sa chute, tintait sur l'étoffe du parquet. "Miserable," m'écriai-je, "ton Dieu t'a prêté—il t'a envoyé, par ces anges, le répit—le répit et le népenthès dans ta mémoire de Lénore! Bois! oh! bois ce bon népenthès et oublie cette Lénore perdue!" Le Corbeau dit: "Jamais plus!"


XV.

"Prophète," dis-je, "être de malheur! prophète, oui, oiseau ou démon! Que si le Tentateur t'envoya ou la tempête t'échoua vers ces bords, désolé et encore tout indompté, vers cette déserte terre enchantée—vers ce logis par l'horreur hanté: dis-moi véritablement, je t'implore! y a-t-il du baume en Judée?—dis-moi, je t'implore." Le Corbeau dit: "Jamais plus!"

XVI.

"Prophète," dis-je, "être de malheur! prophète, oui, oiseau ou démon! Par les Cieux sur nous épars—et le Dieu que nous adorons tous deux—dis à cette àme de chagrin chargée si, dans le distant Eden, elle doit embrasser une jeune fille sanctifiée que les anges nomment Lénore—embrasser une rare et rayonnante jeune fille que les anges nomment Lénore." Le Corbeau dit: "Jamais plus!"

XVII.

"Que ce mot soit le signal de notre séparation, oiseau ou malin esprit," hurlai-je, en me dressant. "Recule en la tempête et le rivage plutonien de Nuit!" Ne laisse pas une plume noire ici comme un gage du mensonge qu'a proféré ton âme. Laisse inviolé mon abandon! quitte le buste au-dessus de ma porte! ôte ton bec de mon cœur et jette ta forme loin de ma porte!" Le Corbeau dit: "Jamais plus!"


XVIII.

Et le Corbeau, sans voleter, siége encore—siége encore sur le buste pallide de Pallas, juste au-dessus de la porte de ma chambre, et ses yeux ont toute la semblance des yeux d'un démon qui rêve, et la lumière de la lampe, ruisselant sur lui, projette son ombre a terre: et mon âme, de cette ombre qui git flottante à terre, ne s'élèvera—jamais plus!

Stèphane Mallarmé.

Many other translations, more or less interesting, have been made into French of The Raven, notably one by Monsieur Blèment, and another, which shall be quoted from, by Monsieur Quesnel. The most curious, however, in many respects, of these many renderings is an elegant one by Monsieur Maurice Rollinat, and as, probably, the only published attempt to place a rhymed translation of Le Corbeau before his countrymen should be given in full:—


Vers le sombre minuit, tandis que fatigué
J'étais à méditer sur maint volume rare
Pour tout autre que moi dans l'oubli relégué,
Pendant que je plongeais dans un rêve bizarre,
II se fit tout a coup comme un tapotement
De quelqu'un qui viendrait frapper tout doucement
Chez moi. Je dis alors, bâillant, d'une voix morte:
"C'est quelque visiteur—oui—qui frappe à ma porte;

C'est cela seul et rien de plus!"


Ah! tres distinctement je m'en souviens! C'était
Par un âpre décembre—au fond du foyer pâle,
Chaque braise à son tour lentement s'émiettait
En brodant le plancher du reflet de son rale.
Avide du matin, le regard indécis,
J'avais lu, sans que ma tristesse eût un sursis,
Ma tristesse pour l'ange enfui dans le mystère,
Que Ton nomme là-haut Lénore, et que sur terre

On ne nommera jamais plus!

Lors, j'ouvris la fenêtre et voila qu'à grand bruit,
Un corbeau de la plus merveilleuse apparence
Entra, majestueux et noir comme la nuit.
II ne s'arrêta pas, mais plein d'irrévérence,
Brusque, d'un air de lord ou de lady, s'en vint
S'abattre et se percher sur le buste divin
De Pallas, sur le buste à couleur pâle, en sorte
Qu'il se jucha tout juste au-dessus de ma porte,

II s'installa, puis rien de plus!


Et comme il induisait mon pauvre cœur amer
A sourire, l'oiseau de si mauvais augure,
Par l'âpre gravite de sa poste et par l'air
Profondement rigide empreint sur la figure,
Alors. me décidant à parler le premier:
"Tu n'es pas un poltron, bien que sans nul cimier
Sur la tête, lui dis-je, ô rôdeur des ténèbres,
Comment t'appelle-t-on sur les rives funèbres?"

L'oiseau répondit: "Jamais plus!"


J'admirai qu'il comprit la parole aussi bien
Malgré cette réponse a peine intelligible
Et de peu de secours, car mon esprit convient
Que jamais aucun homme existant et tangible
Ne put voir au-dessus de sa porte un corbeau,
Non, jamais ne put voir une bête, un oiseau,
Par un sombre minuit, dans sa chambre, tout juste
Au-dessus de sa porte installé sur un buste,

Se nommant ainsi: Jamais plus!

Mais ce mot fut le seul qui l'oiseau proféra
Comme s'il y versait son âme tout entière,
Puis sans rien ajouter de plus, il demeura
Inertement figé dans sa roideur altière,
Jusqu'à ce que j'en vinsse à murmurer ceci:
—Comme tant d'autres, lui va me quitter aussi,
Comme mes vieux espoirs que Je croyais fidèles
Vers le matin il va s'enfuir à tire d'ailes!

L'oiseau dit alors: Jamais plus!


Et les rideaux pourprés sortaient de la torpeur,
Et leur soyeuse voix si triste et si menue
Me faisait tressailler, m'emplissait d'une peur
Fantastique et pour moi jusqu'alors inconnue:
Si bien que pour calmer enfin le battement
De mon cœur, je redis debout: "Evidemment
C'est quelqu'un attardé qui par ce noir décembre
Est venu frapper à la porte de ma chambre;

C'est cela meme et rien de plus."


Pourtant, je me remis bientôt de mon émoi,
Et sans temporiser: "Monsieur," dis-je, "ou Madame,
Madame ou bien Monsieur, de grâce, excusez-moi
De vous laisser ainsi dehors, mais, sur mon âme,
Je sommeillais, et vous, vous avez tapoté
Si doucement à ma porte, qu'en vérité
A peine était-ce un bruit humain que l'on entende!
Et cela dit, j'ouvris la porte toute grande:

Les ténèbres et rien de plus!

Longuement à pleins yeux, je restai là, scrutant
Les ténèbres! rêvant des rêves qu'aucun homme
N'osa jamais rêver! confondu, hésitant,
Stupéfait et rempli d'angoisse—mais, en somme,
Pas un bruit ne troubla le silence enchanté
Et rien ne frissonna dans l'immobilité;
Un seul nom fut soufflé par une voix: "Lénore!"
C'était ma propre voix!—L'echo, plus bas encore

Redit ce mot et rien de plus!


Je rentrai dans ma chambre à pas lents, et, tandis
Que mon âme au milieu d'un flamboyant vertige
Se sentait défaillir et rouler,—j'entendis
Un second coup plus fort que le premier.—Tiens! dis-je
On cogne à mon volet! Diable! Je vais y voir!
Qu'est-ce que mon volet pourrait done bien avoir?
Car il a quelque chose! allons à la fenêtre
Et sachons, sans trembler, ce que cela peut être!

C'est la rafale et rien de plus!


Sa réponse jetée avac tant d'à-propos,
Me fit tressaillir, "C'est tout ce qu'il doit connaître,
Me dis-je, sans nul doute il aura pris ces mots
Chez quelque infortuné, chez quelque pauvre maître
Que le deuil implacable a poursuivi sans frein,
Jusqu'à ce que ses chants n'eussent plus qu'un refrain
Jusqu'à ce que sa plainte à jamais désolée,
Comme un de profundis de sa joie envolée,

Eût pris ce refrain: Jamais plus!

Ainsi je me parlais, mais le grave corbeau,
Induisant derechef tout mon cœur à sourire,
Je roulai vite un siégé en face de l'oiseau,
Me demandant ce que tout cela voulait dire,
J'y réfléchis, et, dans mon fauteuil de velours,
Je cherchai ce que cet oiseau des anciens jours,
Ce que ce triste oiseau, sombre, augural et maigre,
Voulait me faire entendre en croassant cet aigre

Et lamentable: Jamais plus!


Et j'étais là, plongé dans un rêve obsédant,
Laissant la conjecture en moi filer sa trame,
Mais n'interrogeant plus l'oiseau dont l'œil ardent
Me brûlait maintenant jusques au fond de l'âme.
Je creusais tout cela comme un mauvais dessein,
Béant, la tête sur le velours du coussin,
Ce velours violet caressé par la lampe,
Et que sa tête, à ma Lénore, que sa tempe

Ne pressera plus, jamais plus!


Alors l'air me semble lourd, parfumé par un
Invisible encensior que balançaient des anges
Dont les pas effleuraient le tapis rouge et brun,
Et glissaient avec des bruissements étranges.
Malheureux! m'écriai-je, il t'arrive du ciel
Un peu de népenthès pour adoucir ton fiel,
Prends-le donc ce répit qu'un séraphin t'apporte,
Bois ce bon népenthès, oublie enfin la morte!

Le corbeau grinça: Jamais plus!

Prophète de malheur! oiseau noir ou démon,
Cirai-je, que tu sois un messager du diable
Ou bien que la tempête, ainsi qu'un goëmon
T'ait simplement jeté dans ce lieu pitoyable,
Dans ce logis hanté par l'horreur et l'effroi,
Valeureux naufragé, sincèrement, dis-moi
S'il est, s'il est sur terre un baume de Judée
Qui puisse encor guérir mon âme corrodée?

Le corbeau glapit: Jamais plus!


Prophète de malheur, oiseau noir ou démon,
Par ce grand ciel tendu sur nous, sorcier d'ébène
Par ce Dieu que bénit notre même limon,
Dis à ce malheureux damné chargé de peine,
Si dans le paradis qui ne doit pas cesser,
Oh! dis lui s'il pourra quelque jour embrasser
La précieuse enfant que tout son cœur adore,
La sainte enfant que les anges nomment Lénore!

Le corbeau gémit: Jamais plus!


Alors, séparons-nous! puisqu'il en est ainsi,
Hurlai-je en me dressant! Rentre aux enfers! replonge
Dans la tempete affreuse! Oh! pars! ne laisse ici
Pas une seule plume evoquant ton mensonge!—
Monstre! Fuis pour toujours mon gite inviolé;
Desaccroche ton bee de mon cosur désolé!
Va-t'en bête, maudite, et que ton spectre sorte
Et soit précipité loin, bien loin de ma porte!

Le corbeau râla: Jamais plus!

Et sur le buste austère et pâle de Pallas,
L'immuable corbeau reste installé sans trève;
Au-dessus de ma porte il est toujours, hélas!
Et ses yeux sont en tout ceux d'un démon qui rêve;
Et l'eclair de la lampe, en ricochant sur lui,
Projette sa grande ombre au parquet chaque nuit;
Et ma pauvre âme, ors du cercle de cette ombre
Qui git en vacillant—là—sur le plancher sombre,

Ne montera plus, jamais plus!


Another of the many attempts to transfer to the French language Poe's poetic chef d'œuvre was made by Monsieur Leo Quesnel. This attempt, the translator did not claim any higher title for it, was published in la Revue Politiqite et Littéraire, and runs as follows:—

Le poète est, pendant une sombre nuit de décembre, assis dans bibliothèque, au milieu de ses livres, auxquels il demande vainement l'oubli de sa douleur. Une vague somnolence appesantit ses yeux rougis par les larmes.

Un léger bruit le réveille. C'est quelqu'un qui frappe à la porte, sans doute? Que lui importe? Sa tête retombe.

Un autre bruit se fait entendre. C'est la tapisserie que, du dehors; quelqu'un soulève peut-être? Que lui importe? Il se rendort.

On frappe encore: "Entrez!" dit-il; mais personne n'entre. II se lève enfin et va voir á la porte. II n'y a rien que la silence.

II se rassied, anxieux et surpris. Nouvel appel du visiteur myste'rieux et invisible! Imposant silence à son cœur, tout rempli de l'image de Lénore: "II faut," dit-il, "Que je de'couvre ce mystere! Ah! c'est le vent qui gémissait, je pense! "Et il ouvre la porte toute grande pour lui livrer passage.

Un gros corbeau, battant des ailes, entre aussitôt, comme le maître du lieu, et va se percher sur un buste de Minerve. Son air grave arrache un sourire au jeune homme mélancolique: " Oiseau d'ébène," lui dit-il, "quel est ton nom sur le rivage de Pluton?"

Et le corbeau répond: "Nevermore."


Entonné d'une réponse si sage, le poète lui dit: "Ami inconnu, tu me quitteras demain comme les autres, peut-être?

Mais le corbeau répond: "Nevermore."


"Ah!" sans doute, oiseau, tu ignores le sens du mot que tu prononces? Et c'est de quelque maitre afflige comme moi, qui avait, lui aussi, perdu a jamais son bonheur, qui t'a appris à dire: "Nevermore?" Ah! Lénore, toi qui foulais ce tapis que je foule, qui touchais ces coussins que je touche, qui animais ces lieux de ta présence, n'y reviendras-tu plus? "

Et le corbeau répond: "Nevermore."

Une fumée d'encens répand dans la chambre, sortie d'un encensoir qu'un séraphin balance. "C'est ton Dieu qui l'envoie, sans doute, pour endormir par ce parfum, dans ma mémoire, le nom douloureux de Lénore?"

Et le corbeau répond: "Nevermore."


"Prophète de malheur, ange ou démon, que la tempête a secoué sur ces rives, dis-mois, je t'en supplie, si l'on trouve en enfer le baume de l'oubli?"

Et le corbeau répond: "Nevermore."


"Oh! dis-moi si dans le ciel l'âme d'un amant désolé peut-être unie un jour à l'âme d'une vierge sainte que les anges appellant Lénore? "

Et le corbeau répond: "Nevermore."


* * * * *


Et jamais le corbeau n'est descendu de ce buste de Minerve, dont il couronne le front pensif. Ses yeux de démon s'enfoncent sans cesse dans les yeux du poète. Son spectre, agrandi chaque nuit par la lumiere des lampes, couvre les murs et les planchers, et l'amant infortuné ne lui échappera plus! Nevermore.