ne me tombât sur les bras, pendant que tous nos fourrageurs seroient epars dans la campagne. Ils l’ont même brûlé jusqu’ assez proche de leur camp, et deux ou trois petits villages entre eux et nous (par ce qu’on peut apprendre de deux rendus). Ils ont aussi leurs manquements. Le pain ne se peut pas donner regulièrement dans leur armée à tant de peuple ramassé, qui a cru qu’on en viendroit d’abord ici à une bataille. On ne peut pas bien conter sur tout cela, puisque (d’un autre côté) ce peuple ramasse vive encore de quelque bétail, et ils brûlent la paille ou est le grain, lequel parla se durcit, et en font de la farine et ensuite des galettes à la mode du pays. Nos manquements jusqu’ ici sont en habits et en souliers, ce que je crois contribuer autant à la maladie des soldâts que la Bière nouvelle, à quoi contribue grandement le peu de soin de leurs Colonels, quoique je leur en parle souvent. Cela m’a fait juger à propos de faire une revue à toute l’armée, afin que Mr. Harbord puisse payer la-dessus. J’en enverrai l’étât a Votre Majesté.
Ce que je puis juger de l’étât de l’ennemi est que le Roi Jacques, ayant ramassé en ce royaume tout ce qu’il a pu, voudroit bien en venir à une bataille avant que ses troupes se pussent dissiper par la mauvaise saison dans laquelle nous allons entrer. Pour cela il me semble que nous devons tenir bride en main ici, si Votre Majesté l’approuve ainsi, puisqu’il nous doit encore arriver des troupes d’Ecosse et ceux de Dannemark même; et la même raison qui empêche les ennemis de pouvoir m’obliger a une bataille (puisqu’il faut qu’ils viennent à moi par deux ou trois grands chemins seulement, le reste étant entrecoupé de marais) m’empêche aussi d’aller à eux, ayant une petite rivière et quelques montagnes devant eux. Si neanmoins ils opiniâtrent de demeurer en ce poste, le fourrage pour la cavallerie pourra nous manquer; en ce cas je serai obligé d’en énvoyer la plus grande part à vingt milles d’ici du côté de Charlemont, que je pourrai faire assiéger en même temps pour n’avoir rien derrière nous qui nous incommode; et en me retranchant un peu mieux que je le suis encore, je pourrai bien demeurer en ce camp ici sans que les ennemis m’y puissent forcer.
L’armée du Rois Jacques, s’étant venue présenter diverses fois assez proche de ce camp, semble avoir eu quelqu’ espérance que quelques troupes pourroient plus facilement s’aller rendre a lui. J’ai eu quelque soupçon du regiment de Mylord Meath, parcequ’ils s’étoient allés rendre quelques soldâts les nuits auparavant. Pour m’ôter cette inquietude le Colonel Woolsley m’a proposé d’envoyer ce regiment à Enniskillen et de faire venir un regiment dela en sa place.
No. 7. — à Dundalk, le 3 Octobre 1689. — Je suis de l’opinion de V.M. que l’armée ennemie ne nous attaquera pas ici; mais il ne sera pas moins difficile que nous la puissions attaquer dans le poste ou elle est. Elle est campée en deça d’Ardee à une lieue de nous, une petite rivière devant elle. À trois ou quatres gués qu’il y a, ils ont fait des retranchements; et je ne doute pas (comme V.M. le dit en sa lettre) que leur dessein est de couvrir Dublin et que le manque de fourrage nous obligera de reculer. Quand je n’aurai que l’infantérie seule avec moi, ils ne pourront pas me faire sortir d’ici; mais je serai obligé dans peu de jours d’envoyer la plûpart de la cavallerie, qui n’est pas en grand nombre, dans la Comté de Down, d’ou en deux petites journées on la peut toujours avoir ici; et comme il y a un gué au dessus de Carlingford, on peut même l’avoir en moins de temps. Les chevaux, par le couvert qu’ils y trouveront, se conserveront un peu mieux qu’ici, les officiers prenant (outre cela) peu de soin, laissant toujours aller leurs cavaliers à toute bride, et ne savant pas fourrager ni faire des trousses, ce qui a été cause que nous n’ avons jamais pu faire de provisions plus que pour deux jours.
Pour ce qui est de pouvoir marcher aux ennemis, jusques ici cela ne s’est pas pu faire, n’ayant pas eu un seul chariot pour porter des vivres. Et quant à chemin qu’il faudra tenir, toutes gens du pays pourront dire à V.M. qu’on est toujours obligé de defiler par un grand chemin, des marais à droit et à gauche; il ne s ’est jamais vu un tel pays. Et pour pouvoir aller jusqu’ à Navan que V.M. verra sur la carte, il faut faire un fort grand tour, et les ennemis en deux petites journeés de marche y arriveront deux jours devant nous. Par la gauche on ne peut point marcher que le long de leur rivière pour nous en empêcher le passage.
II y a dans cette armée environ mille malades, compris quelques blessés qu ’on a laissé à Belfast; ils commencent à en revenir, et il en meurt peu. J’ai peine à croire que les ennemis n’aient aussi des malades, et qu’il ne leur coute plus de peine à porter leurs vivres de Dublin que nous de les tirer des vaisseaux qui sont ici proche, et à conserver ses troupes avec la monnoie de cuivre pendant que celle de V.M. est bien payée.
V.M. mande qu’elle envoie quelques troupes d’Ecosse; pendant que celles là arriveront, peutêtre celles de Dannemarck viendront-elles. Par la on hasarderoit moins en leur donnant une bataille, et la guerre s’en finiroit plus surement. Ce n’est peutêtre pas l’opinion du conseil des Comités d’Irlande, ni de quelques personnes de Londres, qui croyent qu’il n’y a que donner une bataille pour la gagner.
Monsieur Harbord s’est chargé d’envoyer à V.M. la revue que j’ai fait faire depuis deux jours de l’armée de V.M. Elle y paroitia plus nombreuse qu’elle n’est, les Colonels étant fort habiles en matière de montres. Quoique les troupes d’Enniskillen ne paroissent pas à cause de leurs habits, elles sont neanmoins assez vigoureuses; elles ont défait quelques troupes des ennemis du côté de Boyle et Jamestown. Ce sera aussi Mr. Harbord qui rendra compte à